New York, 1959. EUGENE BULLARD est un vieux liftier noir fatigué, hantant le Rockefeller Center. Petit-fils d’esclave, échappé de l’Amérique de Jim Crow lors du lynchage de son père, on le dit malchanceux. LOUISE CONNELL elle, est une jeune femme ambitieuse issue de la middle class blanche, journaliste pour la chaîne de télévision NBC. Lorsqu’ils se croisent dans l’ascenseur, tout les sépare. Ni l’un ni l’autre ne soupçonne encore que cette rencontre furtive va changer le cours de leurs vies et celle de milliers d’autres… Et révéler au monde l’incroyable destin de GENE“LUCKY SEVEN“ BULLARD, le premier pilote de chasse noir de l’Histoire.

Rien ne suggère à LOUISE CONNELL que ce vieux liftier prénommé BULLARD ait pu avoir un jour une vie au-delà d’une cabine d’ascenseur – sauf peut-être ses quelques médailles aux airs de pacotille sur son uniforme. Mais aujourd’hui, l’attention de la jeune journaliste est toute entière tournée vers une mission importante : NBC a été affaiblie par un immense scandale de jeux télévisés truqués et cherche désespérément à regagner la confiance du public américain. La chaîne est en quête d’authenticité, et Louise, de sujets.

Une interview de JOSEPHINE BAKER, devenue à 50 ans une figure, du Civil Rights Movement, révèle par hasard à LOUISE que le vieil EUGENE a autrefois été GENE“LUCKY SEVEN“ BULLARD , et qu’il régnait en prince sur le Paris des années folles. La passion qui vibre dans la voix de JOSEPHINE pique la curiosité de LOUISE et la lance sur les traces du passé parisien de BULLARD, 30 ans auparavant. Ceux qu’elle va interroger ne sont autres que GEORGES BRAQUE, BLAISE CENDRARS, LOUIS ARMSTRONG et ERNEST HEMINGWAY - tous devenus des géants du siècle et tous admiratifs de cet anonyme nommé BULLARD…

L’enquête de LOUISE dessine un portrait fait de réalité et de légende; mais une chose est sûre : BULLARD, lui, a réalisé l’impossible. Petit-fils d’esclave né dans le Sud rural des Etats-Unis, 7ème d’une large et pauvre fratrie, il est le témoin, enfant, de la tentative de lynchage de son père. Dès lors, il n’a de cesse de partir loin de la fatalité de la condition noire dans le pays de Jim Crow. Est-ce parce qu’il a rencontré le DIABLE à la croisée des chemins comme le prétend LOUIS ARMSTRONG ? Où est-ce grâce au pouvoir étrange d’un dé à 7 points offert par son frère TOUSSAINT ? Toujours est-il qu’une fois sur la route, le jeune GENE croit en sa bonne étoile pour éclairer son chemin ; un chemin extraordinaire qui le mène sur le dos des chevaux de course de ses amis Gitans, devant la première apparition, inoubliable, d’un avion ; clandestin dans la soute d’un transatlantique en route vers l’Angleterre et enfin la France où il deviendra champion de boxe…

Devant tous ces défis, le jeune EUGENE fait preuve d’une rare détermination et d’un brûlant désir de liberté – le dé à 7 points toujours au bout de ses doigts. A 18 ans, en 1913, il arrive enfin à la destination dont il rêvait depuis l’enfance : Paris. Un Paris magique où il est considéré comme un homme, tout simplement. Mais à peine arrivé, une autre destination l’appelle : la guerre.

1914. EUGENE l’Américain a 19 ans mais prétend en avoir 20 pour combattre aux côtés de ses amis français. Dans la Somme, où son compagnon de tranchée est BLAISE CENDRARS, sa bonne fortune multipliée par son courage et sa loyauté le protégeront de la mort. Si les graves blessures reçues à Verdun guérissent comme par miracle, d’autres, comme les attaques racistes et la haine sourde de certains compatriotes américains, ne cicatriseront jamais. 

Mais grâce à ses médailles, à l’amitié inébranlable de MOÏSE KISLING, TED PARSONS et de l’as de l’aviation CHARLES NUNGESSER - et aux attentions généreuses des Parisiennes - il devient GENE “LUCKY SEVEN“ BULLARD, le darling de Montparnasse.

Mais si la vie a offert toutes ses possibilités à EUGENE, elle les reprend à son frère tant aimé, TOUSSAINT. En Géorgie, alors qu’il venait réclamer le bout de terre misérable qui lui était pourtant dû, il est mort lynché ; un crime si ordinaire que l’incident n’a même pas eu de mention dans la presse. Pour ceux dont la peau est noire, les dés seront toujours pipés ; EUGENE, fou de douleur, ne croit plus à ce dé-talisman. Lui, le héros qu’on célèbre, devenu riche et puissant, n’a pas su protéger son frère. Pour cacher cette vérité inavouable – et une autre, celle du départ de sa femme – EUGENE fait croire à son entourage que MARCELLE  est morte.

Dans une ironie terrible, la descente aux enfers d’EUGENE coïncide avec celle du reste du monde. Le krach de 1929 vide les clubs de jazz de sa riche clientèle, les fascismes montent et partout en Europe, la musique s’arrête. Alors que l’armée allemande marche sur Paris, EUGENE veut s’enrôler, mais est pris dans le cauchemar de l’exode, témoin impuissant du spectacle indigne et atroce d’une France à genoux. Il suffira d’une rafale de Messerschmitt pour tuer en lui le rêve de l’aviation… Et pour affliger à son corps de vieux guerrier une blessure de trop.

1940, c’est un EUGENE BULLARD profondément abîmé qui débarque à New York. Mais s’il a échappé aux horreurs de la guerre, il retrouve cette Amérique qu’il a quittée 30 ans plus tôt : ici, la couleur de la peau dicte les destinées. Petit à petit, d’injustices en indignités, il va devenir l’homme que sa naissance avait destiné à devenir : courbé, et invisible.

Pourtant, il a parfois encore le réflexe d’être debout : comme lors des fameuses émeutes de Peekskill, lorsqu’il se fait rosser par des policiers blancs, incident immortalisé sur une couverture de LIFE ; après les coups, il ramasse son béret basque et continue son chemin. Ou comme dans ce bus où, des années avant ROSA PARKS, il refuse de s’asseoir sur les sièges réservés aux Noirs : un acte qui lui vaut de perdre un œil. Mais ces actes ne sont que le sursaut de vieilles habitudes prises dans ce Paris d’antan où la couleur de peau ne comptait pas. Ses filles le voient bien : EUGENE n’est plus que l’ombre de GENE“LUCKY SEVEN“ BULLARD.

Pourtant, CHARLES DE GAULLE lui remet en personne la Légion d’Honneur dans les salons de l’Alliance Française de New York. Mais EUGENE supporte mal ce statut de héros – une imposture à ces yeux, lui qui a laissé tant d’autres mourir – les camarades du front, les civils pendant l’exode et ce frère tant aimé, lynché alors qu’EUGENE swinguait à Paris.

A l’époque où il croise LOUISE dans l’ascenseur du Rockefeller, il n’est plus “LUCKY SEVEN“ depuis près de 20 ans. Il agrémente son salaire de liftier de la vente de parfums français. Les gamins de Spanish Harlem, son quartier, se moquent gentiment de lui et de son béret. Entre les murs étroits de son appartement, couverts de photos jaunies qu’il ne regarde plus, le vieil EUGENE laisse venir la fin. Toute sa vie, il a préféré croire en son dé à 7 points plutôt qu’aux médecins militaires qui lui prédisaient une mort imminente. Mais cette fois, il a un cancer de l’estomac et surtout, il n’y croit plus.

LOUISE, elle, y croit. Rentrée de Paris, elle a rassemblé assez de témoignages pour raconter GENE“LUCKY SEVEN“ BULLARD, un véritable héros américain. Avec les preuves que ces compatriotes haut-placés, en particulier le DR EDMUND GROS, ont tiré toutes les ficelles pour que l’Histoire oublie pour toujours ce Noir qui a osé être libre. EDMUND GROS est mort seul et misérable, mais avec la certitude d’avoir triomphé dans sa croisade raciste. Mais malgré l’insistance de LOUISE, NBC refuse de diffuser un sujet sur le vieux liftier, victime du racisme endémique de l’Amérique d’Eisenhower ?

Si LOUISE se bat sur tous les fronts pour que l’histoire d’EUGENE soit entendue, au fond d’elle, EUGENE BULLARD reste une énigme : comment a-t-il fait pour trouver le courage de croire en lui-même et enchaîner tous ces succès malgré ses origines ? Et pourquoi cet esprit quasi-invincible que tous ses amis ont décrit, est-il aujourd’hui absent des yeux du vieillard ? Elle passe des heures à parler avec EUGENE. Il évoque pour elle cette terre promise et perdue qu’est Paris ; mais le mystère demeure…

Le 20 Décembre 1959, DAVE GARROWAY enfin convaincu, invite EUGENE BULLARD  dans l’émission phare de NBC, le TODAY SHOW; ELEANOR ROOSEVELT elle-même est intervenue pour valider le travail de LOUISE ! C’est un triomphe ; le public américain est séduit par EUGENE, ce héros ordinaire au regard bienveillant. Des centaines de lettres de téléspectateurs admiratifs arrivent chez lui. Mais le vieux liftier ne le saura pas : il est transporté à l’hôpital d’urgence. Les médecins disent qu’il ne vivra pas jusqu’à Noël, à moins d’effectuer la transfusion d’une énorme quantité de sang, que l’hôpital n’a pas…

C’est alors qu’un événement incroyable se produit : le public a entendu que cet ancien pilote noir, découvert à la télévision est mourant. Amis et anonymes, Blancs, Noirs, vieux et jeunes se pressent à l’hôpital pour offrir leur sang. Encore une fois – ce sera la dernière – EUGENE a fait reculer la mort.

LOUISE de son coté, découvre chez EUGENE une vieille lettre qui relate l’histoire de l’assassinat de TOUSSAINT, détail qu’elle ignorait jusque-là. Elle comprend alors la signification du dé à 7 points. C’est la pièce du puzzle qui explique “LUCKY SEVEN“ comme elle dévoile EUGENE: le héros est avant tout un homme.

Quelques mois plus tard, après une dernière soirée aux sons du jazz, le dé à 7 points dans ses mains et LOUISE à ses côtés, EUGENE s’éteint, à 61 ans. Ou s’envole-t-il dans un Vieux CAUDRON au-dessus de la Statue de la Liberté ?

Mais avant de mourir, alors que le sang de ceux qu’il a touchés coulait dans ses veines, EUGENE a compris qu’un jour, il a gagné le pari impossible de voler. Que ce pari a été rendu possible non pas par un dé, mais par son frère, par son père, par ses amis et par les étrangers de passage qui ont cru en lui – et par lui-même. Et que grâce à son histoire racontée au reste du monde par Louise, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont fait un pas de plus vers la liberté.